3
fragments apatrides
1
L'abandonné n'ignore pas sa condamnation, elle l'étreint.
2
Il se demande si le futur aura assez de temps pour enterrer ses racines.
5
En train de se noyer, immobile , à moitié submergé. Un homme englouti dans l'obstacle.
9
Ainsi est remontée la vie dans l'obscurité. Aucun bruit. L'air vide et bientôt la pluie. Et maintenant, tout est coupé maintenant devant le crépuscule parmi les taches de sang. La route recule vers la poussière.
10
Les couleurs absolues l'étreignent jusqu'aux maux qui l'habitent. Le jour est magique et il est sans remède. Et le glaive dur et têtu partage le temps, debout sur l'aube ordinaire.
12
Et parfois, il n'a de l'horizon qu'un goût de rêve noué à des paroles ordinaires. Une ligne de rails et de tunnels, de l'aube au crépuscule, entrecoupée de quelques gares. A force vient l'effroi.
13
De banlieue en capitale - et inversement - son oeil avale du fer et des foules. C'est l'espace abyssal où s'use le dieu humain, à la longue écho brouillé d'une innocence inhabitable.
15
Il appelle en secret une jubilation, là où tous les sommets chantent d'une seule voix. Horreur glacée d'une existence trop habituelle.
17
Des semaines entières à remuer corps et âme. Tellement que ce désir de grâce absolue devenait inutile. Il éblouissait sans attendre son innocence.
19
Le royaume... Indéchiffrable tant que le labyrinthe vous épuise. Avant la nuit mystique et qui ravit.
20
Avant la nuit magnétique aux larges ailes. Hors des serres étouffantes, le voyage indolent vers le nom au-delà des nombres.
22
Chair qui brûle ses nuits en compagnie des lions. Reine qu'on reconduit ainsi vers le rêve d'un nouveau jour. Ainsi mille fois perdu le temps au gré des vagues enturbannées d'écume.
23
Sans trêve vient le désir furieux de splendeur, l'amour déconcertant comme l'éternel héros du condamné qui ne franchit pas son pas vers l'autre.
24
Cette nuit comme d'autres nuits. Il cherche dans les géométries ces instants nomades qui s'inventent tout à coup des perplexités.
26
Marcher dans le monde. D'année en année marcher sans foudre ni frisson. Et dans la nuit partir et revenir dans la nuit.
30
Dans la nuit des écritures, il déambule sans changer de lieu, le visage dispersé. Au commencement des signes.
31
Ainsi vont foisonner les jardins. Une effervescence paisible règnera. Une étreinte gracieuse où respirer en toute conscience.
33
Des lumières fourmillent comme des éclats de verre. Des soifs aveugles font des signes. Nids et déserts.
34
Dans une diagonale du miroir - prisonnier des profondeurs inhabitables - le ciel inversé du silence.
35
Son nom n'est pas son nom. Un nom accidentel annula ses ancêtres. Sur eux s'est refermée la terre splendide et atroce.
38
Des êtres humains qui ne sont plus vivants. Tous identiques. Mangés par le poison du bonheur. Mais qui peut échapper à l'Esprit ? Grande gamme de vérités après minuit et les murs.
39
Vision d'une virginité après les ruines, après les ailes déchirées et l'oeil enfoui dans son trou noir.