Une année mots pour maux - Mai

Mai. Ah, quel délice ! Ah, quel délire ! (extraits)

 

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Dans l'esprit des gens le cadavre parle. Les idées font tintamarre abracadabrant, un bruit de bluff exhibitionniste. On est partout dans des joies désorientées, des féodalités absolues, des protocoles de guerre et paix infantiles, nos inventions sont endiablées, nos communions sont des complots, nous avons des impertinences artistiques à faire sauter les goupilles, les calmes sont massacrés, les avenirs utiles, et la vieille vaillance s'est vautrée dans le ventre du travail. On mijote avec ses crispations, attaqué par des hostilités sournoises, proie de mille croisades lancées par des hurluberlus. La paix c'est notre hémorragie, tellement de choses que nous respirons du Déluge. Ah, quel délire !


Nous avons roulé sous les arbres ensemble avec le fleuve parallèlement, sur une portion de route accordée à nos aises, nos bicyclettes faisaient merveille et déployaient leur course en mimant l'eau qui s'écoulait sans hostilité. Et nous n'étions ni enfants ni père, ni vainqueurs ni vaincus. Ah, quel délice !

 

4


Ce livre qu'on a lu palpitant comme une viande, c'est de la chair qui parle, avec l'humanité dedans, livrant contre les mots, sans héroïsme, rien que pour se garder des gâteries intellectuelles, mille fulminations contre l'argent, ce vieux marionnettiste qui fait les hommes marcher comme des soldats, des travaillés par le travail, corps emboutis par l'hostilité noire de la matière. Ah, quel délire !

 

La femme fouillacée par l'homme corps et âme, et pour tout dire dans le franchissement des barrages, et pour tout dire, quand on met en communion les territoires de l'un et de l'autre, dans un métissage des classes au profit d'un croisement péremptoirement biologique, sorte de premier jour et d'épuration, c'est agréable, une confusion qui écrase les peurs et rend notre animalité, respectée enfin, presque mystique. Ah, quel délice !

5


Couché sur le canapé, je cherche à faire aux arbres des figures. C'est comme inventer, par une application prolongée du regard en un même point de la frondaison, des gueules de géants qui mâchent ou des crétaures qui s'ébrouent à la faveur d'un vent propice aux élasticités. Ainsi, loin des servitudes réelles, après de longues minutes patientes, passées à saisir mon objet, il arrive que je triomphe par la reconnaissance d'une forme fugace que je maintiens captive de mon attention, qui n'appartient qu'à moi et qui danse au bord de l'imprévisible. Ah, quel délice !


Il m'arrive, mijotant sur le canapé, de couler dans ma désœuvrance, n'ayant rien pour exister, de m'émietter dans une absence totale d'obligations, à l'écart du tout-travail, dans l'oubli même de mes propres enfants, le ciel en pleine face, un ciel spumeux et qui me stupéfie. Ah, quel délire !

 

 

Extraits : Voyages égarés

Fragments de figures apatrides 1 2 3 4 5 6

Le Peuple Haï 1 2 3 4 5 6 7

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