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de têtes humaines, sur lequel chevauchaient des
spectres armés de lances redoutables. Un froid dacier montait
vers moi me saisissant aux jambes, je me sentais devenir aussi dur que du
métal. Brusquement, je me rendis compte que je marchais sur la lame
dun cimeterre géant dont la pointe recourbée rejoignait
le sol. Des créatures aux bras multiples, aux mains en forme de crocs,
moffraient le spectacle de leur laideur pour meffrayer. Elles
exerçaient sur mon esprit une telle force de fascination quà
certains moments jéprouvais de brèves pertes de conscience.
À ce jeu-là, jétais sûr de me trouver bientôt
la proie de ces shylocks. Par chance, jétais armé dune
épée et dune dague, et je comptais bien en user le cas
échéant. Quest-ce que javais fait pour quune
aussi violente situation, vieille comme le monde, me fût donnée
? Jétais comme un vivant dans la trame dun livre confronté
aux démons les plus intraitables ? Et visiblement, ils navaient
pas dautre but que de me précipiter à terre et de me faire
la peau. Certes, la vie dun homme est fleurie de dangers et de catastrophes.
Javais beau savoir ça, je me demandais encore pourquoi javais
été désigné pour affronter cette voie dont je
ne comprenais pas lissue. Aie confiance ! me disais-je, aie confiance
! tandis que les sales gueules rôdaient autour de ma vie. Je craignais
à tout moment de me trouver sur la partie courbe de la lame. Cette
obsession provoquait dans ma tête des figures de cercles et dangles
qui sentremêlaient, des profils de sphères et de pics rocheux.
Je serrais si fort mon épée et ma dague quelles disparurent.
Mes mains ainsi vidées se détendirent, et mon corps tout entier
qui venait tout juste déchapper à la frénésie
du combat se retrouva plongé aussi ? Plutôt, quavais-je
fait pour être ainsi tenu à lécart ? Cest
alors que je le vis. Un il, aussi gros que ma propre tête, était
braqué sur moi,