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ça, nous avons déposé blessés et morts sur les navires et déchargé tout le nécessaire pour établir notre camp avant la tombée de la nuit. La colline dégoulinait du sang de tous les cadavres. J’ai vu un arbre du voyageur comme un éventail de chair qui déchirait le ciel. Des fougères arborescentes coupées net. Des troncs affalés par les rafales, des feuilles de bananiers déchiquetées en dentelures d’horrible rieuse. On avait glabré ce mont comme un cul. Alors, pour nous remettre, nous avons sorti nos guitares, ouds et violons. Chacun jouait sa part de nostalgie. Les sons coulaient sur les charognes. C’était une faisanderie qui remontait vers nous avec le vent de mer ; nos feux de camp qui dégageaient l’obscurité nous laissaient entrevoir les reliefs de nos combats. On jouait des airs brisés par la douleur d’avoir perdu des camarades. On rêvait l’œil dans les flammes à des choses infestées par la bouillie et le chaos. Par exemple que nos guitares, ouds et violons gisaient comme des géants autour desquels nous nous battions au plus près de nos ennemis. C’est alors que j’ai vu, monté sur la pointe redressée d’un archet, un cheval blanc sans cavalier. Il contemplait, aérien, le spectacle de la catastrophe qui mijotait comme une rampante pourriture. Plus je le regardais, plus me fascinait sa beauté. Par instants, mon être se détachait de ma propre vie pour habiter son corps. Mais ces instants se prolongèrent, et c’est ainsi que je me retrouvai ailleurs une souris

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