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cinq avions couchés les uns près des
autres devant une statue de bouddha en état de méditation. Il
ne s’agissait pas d’un cimetière pour vieux coucous mis au
rancart. C’étaient de grands voyageurs endormis. Ils avaient connu
des pays, traversé des espaces, accompagné des nuages, réuni
des hommes. Et voilà qu’ils étaient fatigués. Ils
avaient quitté leur lieu d’attache pour rejoindre cet îlot
hors du temps. Ici, ils oubliaient toute frénésie liée
aux envols, aux horaires, aux escales. Ils étaient comme des fidèles
recueillis, soumis à la dévotion du bouddha. Ils n’entendaient
plus les bruits lourds des moteurs, ni les sifflements de l’air quand
leurs ailes coupaient le vent, ils n’éprouvaient plus ni vertige,
ni solitude, ni ce froid qui règne dans l’espace. L’homme
dieu les réconciliait avec le vide qu’ils fréquentaient
quotidiennement. Leur métal ne hurlait plus. Il s’humanisait par
le silence. Je me régalais de cette limpidité. Elle m’éclairait
intérieurement. J’étais une souris dans la Jouvence…
Mais voilà. J’ai glissé de ma boule blanche et j’ai
basculé dans un autre univers. Un air glacial me brûlait la plante
des pieds. J’étais debout sur une sorte de passerelle réduite
à un fil, c’est dire combien était précaire ma position.
Je devais me maintenir en équilibre pour éviter de tomber. Tomber
où ? Allez savoir. Un sol rouge, jonché