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me remit en mémoire une curieuse conversion
de mon esprit. Je me souviens quadolescent mon imagination délirait
sur Buffalo Bill. Chaque jeudi, jentrais en aventure rien quen
ouvrant mon hebdomadaire dans lequel William Cody chassait le bison. Cétait
lépoque où lIndien était raconté comme
un intrus qui piratait des pionniers blancs en mal despace. Jai
mis du temps à comprendre que cétait linverse, sans
doute en rapprochant lhistoire des Indiens des Plaines et les récits
de mes parents quon avait chassés de leur pays. Longtemps, ma
conversion a cheminé au plus profond de ma conscience en mûrissant
comme un fruit. Un jour, je me suis réveillé dans mes origines
et jai eu des gestes dIndien, en butte aux harcèlements
dune culture qui nétait pas la mienne. Javais atteint
un tel degré dhumiliation et de lucidité que jen
étais arrivé à détester tous ceux parmi mes frères
qui trahissaient leur histoire par des comportements équivoques. Cette
assimilation aux Indiens, je la retrouve en germe dans mon adolescence quand
nous construisions nos cabanes avec des branchages au milieu des vorgines
qui sétendaient le long du Rhône. Mais cest plus
tard, vers lâge de vingt ans, que je suis devenu un Tatanka Iyotake,
ou Sitting Bull, le guerrier pacifiste de la tribu des Sioux Hunkpapa. Je
voyais dans lesprit de mes frères mourir lesprit de leur
pays, tellement était puissante larmée des dieux nouveaux.
Autrefois si légères, les plaines pesaient lourd sous nos pas.
Mais nous étions devenus étrangers sur nos propres terres. Les
autres nous chassaient comme des fauves. Toute ma vie, jaurai bravé
leurs feux. Jai couru sur le sol nu. Mais à présent jaffronte
les odeurs de pourriture blanche, croyant que mon combat fera renaître
le temps à son origine. Je serai le dernier à faire le fou contre
la montée des décombres. Mais ma vie aura au moins été
un avertissement. Que les hommes de mon sang me tuent si je déplais
à leurs nouveaux maîtres. La mort des peuples indiens, qui vient
après la mort de leurs frères les bisons, montrera aux survivants
la voie de morts plus grandes. Déjà, leau de rivière
crève dans son lit, et lair pourri par les propriétaires