1 - Ce que vous avez devant les yeux relève autant de lexposition
que de linstallation. Si les murs servent de surface daccrochage,
sol, plafond, espace ont également été exploités.
Cet espace a permis la mise en mouvement des objets peints sur lesquels vient
séchouer la lumière. Par ailleurs, des textes se surajoutent
à lensemble, une musique accompagne le tournoiement des disques
sur un axe vertical. Sont également suspendues, à hauteur dhomme,
trois paires de ciseaux.
2 - Daucuns verront dans cette exposition la volonté dexprimer
une certaine totalité où senchevêtrent symboles
et références culturelles. De fait, il serait vain de chercher
à appréhender la densité des signes en mouvement. Chacun
saisit ce que son esprit veut bien accueillir. Et pour tout dire, la préparation
de cette exposition a connu plusieurs étapes successives, la mise à
disposition de lespace appelant lobjet en suspension, le choix
du disque une fois arrêté suggérant le tableau à
châssis rond, lequel conduisait naturellement à la symbolique
du cercle, puis à une mise en mots, enfin à la nécessité
dune traduction musicale.
3 - À première vue, et à juste titre, le maître
mot de ce travail serait celui de correspondances. Cest dire quil
sagit moins de juxtaposer artificiellement des modalités dexpression
plastique que de rendre sensible, en un lieu donné, léchange
synchronique des formes. Chacun jugera si les mots, les couleurs, les sons,
les mouvements, les figures, lusage du cercle et tout lau-delà
des sens auquel tous nous orientent, jouent bien ensemble le même concert
amoureux.
4 - Pour exemple, la technique de la coulure, au sein de laquelle les fluidités
chromatiques se marient lascivement selon des affinités et des rencontres
aléatoires non maîtrisables, semble trouver dans les notes tirées
à linfini du duduk ou les rondes vibrations du kamantcha comme
sa traduction sonore. Comme si larchet faisait lui-même vibrer
les fils qui tiennent les disques en suspens. Comme si les disques vinyles
et les DVD produisaient les résonances des couleurs, hors toute technique,
grâce à un usage détourné de leur fonction première.
Pareillement, la présence des cercles (verticaux, horizontaux, obliques)
introduit le regard au sein dun univers que le fin rayon de lumière
sonore expulsé par le duduk nous fait traverser.
5 - Restent ces trois ciseaux noirs aux becs dacier qui semblent voler
autour du grand cercle. On peut y voir une représentation des Parques,
ou bien les symboles dun occident destructeur dharmonies. Plus
simplement, ils sont là, à portée de main, pour que chacun
cueille, à sa guise, son disque le plus personnel, comme fruit dune
jouissance esthétique, en souvenir dinstants saisis, fugaces
ou précieux.