Je suis pour le rapprochement des peuples. Les hommes ne deviendront
des hommes que le jour où ils s'inviteront à la même table
pour se partager une même pizza.
Mais attention ! Cette table devra être
ronde et la pizza prédécoupée en parts égales.
C'est ainsi que veut faire l'Europe : partager les mêmes valeurs.
Seulement voilà : les valeurs ne conviennent
pas aux voleurs. Toute valeur est contraignante, à commencer par l'obligation
d'avoir à vivre avec l'autre.
Dans le partage de ces valeurs, les hommes
qui sont assis à la même table n'ont pas la même identité.
Les uns arrivent avec une plaie en plein cœur, les autres avec un couteau
entre les dents.
Tout le problème du rapprochement des
peuples est de faire dialoguer la plaie et le couteau. Car la plaie a une
mémoire et le couteau un appétit. Et la mémoire est un
passé dans le présent, l'appétit un présent dans
le futur.
Je rêve qu'un jour la ville de Catane
en Sicile soit jumelée avec le Vatican, que Lassa le soit avec Pékin,
et Erevan avec Ankara.
Je rêve qu'un jour Washington soit jumelée
avec la forêt amazonienne, le Japon avec les baleines, les voitures
avec l'air, les agriculteurs avec les nappes phréatiques, l'argent
avec le bonheur, les hommes avec l'humanité.
Moi avec mon ennemi et mon ennemi avec moi.