" Ce que tu donnes avec la main, tu le reçois avec le cœur ".
Vrai aussi de dire que tu reçois avec la main ce que tu as donné avec le cœur quand l'ingratitude te gifle et qu'à l'amour du geste répond l'indifférence ou la trahison. Mais il vaut mieux donner et recevoir avec le cœur dans un monde où toute transaction se fait de la main à la main. En effet, donner avec la main en ayant pour intention de recevoir, sans avoir à y mettre le cœur, c'est pur commerce. Autrement dit échange convenu, de surcroît impur, dans la mesure où le donneur sait par-devers lui ce qu'il gagne au moment de recevoir la contrepartie calculée par lui de ce qu'il a donné, tandis que l'autre, qui lui aussi a donné et reçu, tout à la joie de recevoir ce qu'il désirait, accepte d'ignorer ce qu'il perd. En d'autres termes, pour en revenir au proverbe, tel qu'il a été conçu dans la tête d'un homme, le don n'est don que si et seulement si la main donne et ne reçoit rien en échange, sinon de l'impalpable, quelque chose d'aussi immatériel qu'un regard d'homme à homme. Pour qu'un peuple invente pareil proverbe, il faut qu'il ait atteint un certain niveau d'humanisme, une douceur de comportement social qui ne ressortit pas à la violence des rapports humains fondés sur l'argent. Pourtant, la vie moderne nous offre une large panoplie de ces rapports. Ils vont de l'agressivité commerciale à la fraternité compassionnelle. Plus un pays est pauvre, plus il engendre pareils extrêmes. On attendrait des hommes qui sont les plus à même de stimuler la socialisation de la société qu'ils réduisent ces écarts. Mais s'ils maintiennent les citoyens dans une dynamique économique de préférence à une communion dans l'échange, ils produiront des intérêts plutôt que du désintéressement. Dès lors, chacun se définira selon qu'il mettra en acte ou non ce proverbe.
(23/04/03)