La chose est entendue, la femme arménienne
est velue et on ne le sent pas. La cause climatique s'est somatisée
en effet génétique. Les froids justifient les toisons. Des connaisseurs
qui ont laissé bourlinguer leurs mains par monts et par vaux vous diront
qu'elle a la peau aussi épaisse que celle des Asiatiques est veloutée.
Mais les Arméniennes font du beau avec du brut, sublimant le génétique
en esthétique. Ce n'est pas qu'elles pratiquent l'art du camouflage
pour piéger le mâle. Non. C'est de l'art, pas du cochon. D'ailleurs,
aussitôt après l'indépendance, les deux sexes se sont
partagés les deux lieux les plus emblématiques de leur émancipation
: les instituts de beauté et les bureaux de change, lesquels ont proliféré
comme chansons sous la pluie. Même si on trouve ici une manière
féminine de s'habiller ordinairement européenne, l'Arménienne
reste inventive dans le vestimentaire. Aussi sûrement que la beauté
doit sauver le monde, la femme arménienne finira par sauver l'Arménie
de l'homme arménien, de ses rudes supériorités, de ses
ruineuses folies et de ses politiques mensongères. Non seulement elle
a une fonction civilisatrice, mais elle fait partie intégrante du charme
de ce pays, au même titre que le sourire de l'Ararat, la sérénité
du lac Sevan et le front dégarni de Paradjanov. Qu'une jeune femme,
de guerre lasse, quitte le pays pour des horizons plus humanisés, ou
pour exercer une prostitution alimentaire, et c'est un peu de son âme
que perd l'Arménie. Que dis-je ? C'est le désert qui gagne au
profit des serpents et des scorpions, lesquels commencent à se montrer
en plein Erevan pour faire concurrence aux cafards. Sans ses déambulantes
et ondoyantes jeunesses, la capitale serait d'une immense fadeur. Je radote,
je le sais, mais c'est l'impression que me donnent les filles d'Arménie,
même si ça leur fait une belle jambe et qu'elles n'en ont rien
à épiler…