Publié le : 03-09-2006
Homme de fer. Homme de chair. Immobiles.
Les hommes ne voient pas les hommes. Mais à moi, ce
couple ne m'a pas échappé. C'est une œuvre d'art qui n'intéresse
personne et qu'on ne trouverait dans aucune galerie. Et pourtant, elle vit,
plus vraie qu'un art de la performance. Étonnant collage grandeur nature
composé d'un humanoïde en ferraille et d'un homme de chair et
de sens. Le premier est droit comme une sentinelle au garde-à-vous,
le second comme un penseur plié sur un obscur écœurement
de vivre. Je ne sais pas si l'homme est l'auteur de l'autre, si l'autre est
l'enfant de l'homme. Ou s'ils sont tous les deux dans une communion voulue
par l'homme. Toujours est-il qu'ils ont un air à concentrer l'esprit
du temps. Comme un tableau figé sur une énigme que le spectateur
devra résoudre pour permettre à l'homme de s'en libérer.
L'homme, c'est Chactas saisi par le vide effacement d'Atala. Mais ici, dominé
par un âge de fer qu'il a lui-même enfanté. L'autre au
fond avec son téléphone symbolise l'indifférence du monde.
Depuis que je vais et viens dans ce pays, je n'ai d'autre ambition que d'éviter
toute indifférence à l'enfer des autres. Le moins que je puisse
faire ici est de laisser venir à moi les questions. Quitte à
ne leur trouver aucune réponse. Le monde est indifférent à
sa propre cruauté…
Erevan for rêveurs/Erevan for ever