Vient de paraître, Erevan 06-08, aux éditions A d’Arménie, collection Zoom.
Edition bilingue français – arménien, traduction par Gayané Sargsyan et Garnik Melkonian.
Préface :
Les textes qui suivent ne sont pas d’un journaliste, bien que la plupart aient trouvé leur place sur le site de Yevrobatsi.org, encore chauds des événements liés aux élections législatives et présidentielles arméniennes, de 2007 et 2008, au cours desquelles j’ai exercé la fonction d’observateur bénévole pour le compte de la section locale de l’organisation Transparency International. Ils s’inscrivent à la suite d’une série de livres écrits sur l’Arménie au fil d’une fréquentation qui aura commencé en 1969.
Si je souhaitais au départ capter des sensations fugitives sur la capitale Erevan, la violence des événements m’ont assez vite détourné de cet objectif purement littéraire pour m’obliger à témoigner de la dramaturgie électorale que traversait le pays et qui rencontra son point de crise à l’aube du 1er mars jusque tard dans la nuit.
Le lecteur voudra bien lire ces textes comme des précipités d’impressions multiples et d’analyses personnelles, restitués avec toute l’humilité et toute la sincérité que doivent requérir des mouvements d’idées et des manifestations de rue aussi complexes. Sans doute aideront-ils également à comprendre qu’une ville, loin de se réduire à une savante organisation de l’espace habité, reste avant tout imprégnée des émotions collectives ou individuelles éprouvées par ceux-là mêmes qui l’habitent ou ceux qui l’aiment, faute de pouvoir y vivre.
EXTRAIT :
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La chose est entendue, la femme arménienne est velue et on ne le sent pas. La cause climatique s’est somatisée en effet génétique. Les froids justifient les toisons. Des connaisseurs qui ont laissé bourlinguer leurs mains par monts et par vaux vous diront qu’elle a la peau aussi épaisse que celle des Asiatiques est veloutée. Mais les Arméniennes font du beau avec du brut, sublimant le génétique en esthétique. Ce n’est pas qu’elles pratiquent l’art du camouflage pour piéger le mâle. Non. C’est de l’art, pas du cochon. D’ailleurs, aussitôt après l’indépendance, les deux sexes se sont partagés les deux lieux les plus emblématiques de leur émancipation : les instituts de beauté et les bureaux de change, lesquels ont proliféré comme chansons sous la pluie. Même si on trouve ici une manière féminine de s’habiller ordinairement européenne, l’Arménienne reste inventive dans le vestimentaire. Aussi sûrement que la beauté doit sauver le monde, la femme arménienne finira par sauver l’Arménie de l’homme arménien, de ses rudes supériorités, de ses ruineuses folies et de ses politiques mensongères. Non seulement elle a une fonction civilisatrice, mais elle fait partie intégrante du charme de ce pays, au même titre que le sourire de l’Ararat, la sérénité du lac Sevan et le front dégarni de Paradjanov. Qu’une jeune femme, de guerre lasse, quitte le pays pour des horizons plus humanisés, ou pour exercer une prostitution alimentaire, et c’est un peu de son âme que perd l’Arménie. Que dis-je ? C’est le désert qui gagne au profit des serpents et des scorpions, lesquels commencent à se montrer en plein Erevan pour faire concurrence aux cafards. Sans ses déambulantes et ondoyantes jeunesses, la capitale serait d’une immense fadeur. Je radote, je le sais, mais c’est l’impression que me donnent les filles d’Arménie, même si ça leur fait une belle jambe et qu’elles n’en ont rien à épiler…
Avril-mai 2007
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ISBN : 978-99941-831-9-7
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Prix : 10 euros ( 4 euros de port )
S’adresser à : denisdonikian@gmail.com
Ou à la Librairie Samuelian 51 rue Monsieur le Prince Paris, 75006
Tél. 01.43.26.88.65