Si, comme il est dit partout, le 17 décembre
prochain, le cheval de Troie turc ne devait plus se trouver qu'à une
portée de sabot de la Tour Eiffel, tout serait perdu pour les Arméniens,
fors l'honneur.
En effet, durant l'année 2004, du fer
de lance de leurs activistes aux grosses machineries de leurs organisations,
les Arméniens n'ont agi dans la discorde que pour parler d'une seule
voix et harceler en continu le cheval au galop d'un État prédateur
de peuples et de leurs valeurs.
Ils ont dit et ils ont redit que si les comptes
de l'histoire n'étaient pas apurés, la haine entrerait dans
l'Europe plutôt que la raison. La paix européenne ne peut faire
l'économie d'un contentieux aussi lourd et dangereux qu'un génocide
assassiné, sacrifié sur l'autel d'une soi-disant amitié
entre les peuples.
Car les hommes tués par des hommes
au sang froid réclament eux aussi de dormir en paix dans la conscience
des survivants, aujourd'hui ces enfants des victimes, mais demain ceux de
leurs bourreaux. On ne peut demander à la mémoire de se taire
ni dans les livres ni dans le vivre d'hommes qui portent en eux des récits
de crimes et le crime de leurs récits.
Le peuple turc doit accéder à
cette conscience-là s'il souhaite intégrer le club de la conscience
européenne.
L'obsession génocidaire des Arméniens
fait partie intégrante de l'obsession démocratique des Européens.
Et si les Arméniens ne sont pas prêts à lâcher prise,
c'est qu'ils font ce que leur dictent le poids de leurs morts et l'avenir
de leurs persécutions. Ils seront les jours et les nuits intranquilles
d'une Europe aveuglée par sa passion pacifique. Car ils savent ce qu'être
homme veut dire, surtout quand cet homme est malade d'une Europe qui a toujours
fermé les yeux au gré de ses intérêts.
Une Europe où entrerait une Turquie
négationniste serait une Europe elle-même négationniste.
Non, en 2004, les Arméniens n'ont pas
perdu leur temps. Au terme de cette année, leur voix s'est fait entendre
partout et s'infiltre aujourd'hui et de toutes parts au sein d'un peuple aveuglé
par son amnésie cosmétique. Car si on peut désinformer
un temps, on ne peut désinformer tout le temps.
Un jour la vérité sera rendue
aux morts.