" Il appartient aux Arméniens de faire
des excuses à la Turquie suite à leurs allégations erronées
de génocide pendant la première guerre mondiale. "
a déclaré lundi 11 avril 2005, M. Recep Tayyip Erdogan, au cours
de sa visite officielle en Norvège.
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Ces enfants arméniens qu'on enterra vivants pas centaines remuent encore
sous la terre autour de Diarbékir pour vous demander pardon. Ces déportés
torturés par la soif que vos gendarmes attachaient face aux rivières
ou promenaient le long des fleuves en leur défendant d'approcher ne
sauraient faire moins eux aussi que d'implorer votre grâce. Au nom de
ceux qui se sont jetés dans les flots pour s'y noyer en apaisant leur
soif ou de ceux qu'on fit boire aux rivières souillées par des
cadavres arméniens, je vous demande pardon. " Pardon ! "
auraient dit ces enfants arméniens, sans père ni mère,
qu'on vendait pour deux médjidiés, soit 1,20 euro, sur les marchés
d'Istanbul, capitale ottomane. Ces filles qu'on passait aux soldats vous demandent
elles aussi pardon d'avoir été violées ou d'avoir peuplé
les harems de vos pères. On aurait pu aussi exiger de Madame Terzibachian
d'Erzeroum de vous demander pardon pour avoir témoigné au procès
Tehlirian en racontant comment à Malatia les femmes virent leurs époux
tués à coups de hache avant d'être poussés dans
l'eau et comment leurs bourreaux vinrent choisir les plus belles, transperçant
de leur baïonnette celles qui s'y refusaient. Mais Madame Terzibachian
n'étant probablement plus de ce monde, je vous demande pardon à
sa place d'avoir porté l'accusation contre le soldat qui trancha la
tête de son propre frère sous les yeux de sa mère aussitôt
foudroyée, et qui jeta son enfant pour la seule raison qu'elle le repoussait.
Pardon de vous avoir offensé au nom des Arméniennes de Mardin
dont on déshonora les cadavres encore frais. Les Arméniens qu'on
jeta par centaines dans les gorges du lac de Goeljuk, non loin de Kharpout,
selon ce que le consul américain nous en a rapporté, s'excusent
par ma bouche d'avoir porté atteinte à votre honneur que leur
mort accuse les Turcs de les avoir acculés dans une nasse avant de
les égorger. Je vous fais grâce de ces restes humains qu'on dépouilla
de tout, de leurs maisons, de leurs biens, de leurs vêtements, de leurs
enfants, et ces enfants de leurs propres parents, de leur innocence, de leur
virginité, de leur religion, de l'eau qu'on boit quand on a soif, du
pain quand on a faim, de leur vie autant que de leur mort, de leur paysage
familier et de la terre de leurs ancêtres… De tous ces gens me
voici leur porte-parole, ils parlent en moi, je les entends agoniser dans
mon propre corps, pour vous demander pardon d'avoir existé, pardon
d'avoir été trompés, turcisés, torturés,
ferrés comme des chevaux, violés, égorgés, éviscérés,
démembrés, dépecés, brûlés vifs,
noyés en pleine mer, asphyxiés, pour tout dire déshumanisés…
Car vous n'êtes en rien responsable des malheurs absolus que vos frères
inhumains firent subir aux nôtres, frères humains trahis dans
leur humanité. Non, l'histoire de vos pères n'est pas votre
histoire. L'histoire de la Turquie ne naît pas sur ces champs de cadavres
arméniens. Et pourquoi donc supporteriez-vous les péchés
de vos pères ? Qui oserait vous faire croire que ces maisons désertées
par les Arméniens ont été aussitôt habitées
par les vôtres ? Que des villages entiers, vidés de leurs habitants
naturels, ont été occupés par les vôtres, au nom
d'une légitimité illégitime ? Que la ville de Bursa comptait
77 000 Arméniens durant la période ottomane, plus que deux au
premier recensement ? Que les richesses de ces Arméniens pourchassés,
déportés, anéantis aient nourri ces prédateurs
qui furent d'une génération dont vous ne fûtes nullement
engendré, Monsieur Erdogan. Il faut que les Arméniens s'excusent
d'avoir été là où vous n'étiez pas encore.
Qu'ils s'excusent d'avoir proclamé depuis 90 ans, d'une manière
ou d'une autre, par des livres ou de vive voix, par leur mort sur les chemins
du désert ou leur vie dispersée aux quatre coins du monde, que
le génocide arménien est et sera toujours le fond noir de l'identité
turque.
avril 2005
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