trois lieux incertains

 

(1994)

premier lieu

1

Un air sans colère. Où passe je ne sais quoi. Grave / léger. Et blanc à bec de diable, ni souriant ni triste, l'oiseau qui habite là, entre les toits, la mer. Vacant comme un couteau d'abattoir. Et l'insecte à qui demander l'aujourd'hui... brise en poussière le temps. Fait briller l'air d'une impérieuse chose. Braise dans le désert aux ruelles diluées.

Y passe je ne sais quoi. Mer qui habite là. Et l'insecte vacant sans colère. Ni diable d'abattoir, ni braise impérieuse dans l'aujourd'hui désert. L'oiseau au bec mi souriant mi triste se dilue dans la poussière du temps, faisant briller les ruelles de son air grave et léger comme un couteau d'abattoir.

Entre les toits il passe. Oiseau. Je ne sais quoi. Diable sans colère à bec de couteau. Grave / léger dans l'air et sur la mer. Tandis que l'aujourd'hui se brise, ni souriant ni triste, dans l'insecte qui fait briller le temps. Braise dans les ruelles et les abattoirs blancs. A qui demander l'impérieuse chose d'habiter là ? Poussière diluée dans l'air vacant.

 

2

Mon corps lassé sous les températures. Même gorgé de fièvres lumineuses. Corps arc-bouté sous un ciel qui prodigue toute une amplitude universelle. Atroce immortalité que ce visage, enfance des formes, immobile et sans pli, loin des tourbillons qui blessent, des labyrinthes irréversibles, loin des en-marche de dragons. ... Secret désastreux trouble le tissu glacé du mirage, cette mer où le jour, de l'aurore au couchant, est partout terrassé.

 

3

Attente dans une gravité alourdie d'abondance élémentaire. Vaisseaux à pas lents, vaisseaux qui tracent des signes sur une nuit de réalités. Si languissants vaisseaux à l'heure où l'homme fait de l'hospitalité reçue une insomnie sans aube. A la pointe des terres, les rues ne s'entendent pas. Le temps abonde en lumière argentine, dissipe l'esprit en mille angoisses miraculeuses, sentences qui se brisent sur le front. Navires blancs filent couchés sur la prolixité du silence où l'écaille use l'écaille jusqu'à plus soif.

 

4

J'habite un balcon sur la mer. C'est une maison provisoire cernée par dix mille vols. Autour de moi d'insomniaques ailes blanches nagent à longueur de jour. Parfois d'horribles rires s'ébrouent sur fond de crissements symétriques . Ils ne tarissent pas. Autour de moi des eaux mobiles et des îles en repos. Des arbres, des voiliers.La nuit venue tournoient des feux horizontaux. Alors naissent les ailes noires, folles égarées qui jamais ne se perdent. Autour de moi.

Les yeux fermés je sais. Sur la mer surnage la perle jaune. Mon obsession fixe et dansante. Avant naufrage.
*

J'habite une mer insomniaque où nagent des ailes blanches. Autour de moi crissent dix mille vols fixés aux arbres. Rires qui ne tarissent pas. Je ne sais pour quelles îles les voiliers s'égarent sans se perdre jamais. Sur fond de nuit provisoire tournoient des feux symétriques.

Et toujours danse la perle bien fermée, obsession sur mes yeux jaunes qui surnagent.

 

*

Mer horizon ne tarit pas. Cernées de voiles provisoires, des îles blanches à longueur de jour. Loin des rires, des crissements, elles tournent autour de moi. Autour de moi d'horribles vols - ailes noires, sans repos. Arbres mobiles sur fond d'eaux nagent dans les feux. Vienne la nuit symétrique pour l'égaré qu'il ne se perde comme un fou.

Les yeux fermés sur la perle insomniaque - obsession de mer - l'homme danse en mal de naufrage.

 

second lieu

1

Au-dessus

Des terres épuisées, des caries fétides

Les monts arc-boutés dans la lumière

Inondent l'oeil

Mes yeux à pleine hauteur

 

Quotidien n'est que vanité

Jours qu'un seul grain de silence annule

 

Amplitude - c'est le don des étagements

 

Sous une aile à forme d'arc

Rêvé que je vole dans l'entre-deux

Entre sol et ciel

Balcon mouvant par-dessus

Les royaumes de fer les insomnies épouvantables les airs avilis

Provisoirement ange

Comme tout le corps sourit de voir le monde en pleine lumière

A peine pesant

Plaisir de s'égarer au gré d'un fil sans effroi sur le vide

 

2

Arc-bouté épuisé

De vanités quotidiennes

Il n'est grain de lumière pour m'inonder

Il n'est guère de hauteurs

Pour annuler les jours fétides les royaumes avilis

 

Parfois au gré de ses insomnies

L'oeil ample

Balcon à forme d'arc

Vole dans l'entre-rêve

Ange mouvant

Corps provisoire

Le monde sourit à pleine lumière

A peine pesant le monde

Egaré dans le vide

Comme une aile entre deux airs

Sur le fil lumineux du plaisir

 

3

: mon oeil à forme d'arc

inondé d'insomnies

 

Il n'est guère de royaume - grain d'ange -

pour égarer dans sa lumière

le vide effrayant du plaisir

 

A peine si

entre deux rêves

le fil d'une aile ample mouvante

au-dessus des hauteurs avilies

épuise tout le ciel

 

4

Des lumières des hauteurs

au-dessus des insomnies fétides

et des royaumes à forme d'arc

amples et provisoires

Des vanités entre deux rêves

Des anges entre deux airs

Un balcon comme une aile pour s'égarer

L'oeil arc-bouté dans la lumière

Le corps mouvant sur un fil

Et parfois

à peine pesant

un monde

comme un grain de plaisir inondé par le vide

 

 

le troisième lieu

1

Retour aux jours, à la terre du jardin. Loin des hiers sucrés aux airs de fête, loin des terrasses, loin des eaux. Retour aux insomnies, retour à la raison. Le lierre réel a conquis de ses mains les murs et mes fenêtres. M'emprisonne, m'aveugle. Parfois autour de moi des pluies s'écroulent à longueur de jour. Ne tarissent pas. J'habite une maison embrasée de feuilles sonores. Une île qui tournoie dans les eaux de plomb. C'est une maison comme un voilier sur les arbres . Vivantes, des ailes noires ou blanches volent autour de moi pour m'égarer. L'infaillible obsession.

 

2

J'habite vivant des insomnies. M'aveuglent pour m'égarer leurs ailes noires. La terre s'écroule comme le plomb et infailliblement les eaux du jour conquièrent mes terrasses. Mains vacantes ne tarissent pas d'embraser l'île sucrée aux feuilles de fête... Comme l'obsession d'un voilier loin des airs sonores, loin des terres qui emprisonnent les arbres.

 

3

L'aube à pas lents se brise le front en mille écailles miraculeuses. Sur mon corps gorgé de labyrinthes. Passent d'abondants déserts qui s'aggravent avec la soif et se diluent dans l'insomnie des arbres. Autour de moi surnagent des îles blanches qui s'égarent comme des folles aux obsessions asymétriques. Autour de moi, don d'un silence arc-bouté, le fil d'un ange trace dans l'air des vanités provisoires, des royaumes émouvants. Son aile inonde les hauteurs au-dessus des fers et des feux, entre deux étagements horizontaux . Sol et ciel.

(Presqu'île de Giens, Montchanin, Vienne, juillet 1994)

Accueil

Aide et téléchargements