Erotophylles et végétaliennes

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Pointes sèches d'Isabelle Brillant

Textes de Denis Donikian

 

Achevé d'imprimer en septembre 2003 sur les presses de René Salsedo,
maître artisan imprimeur typographe à Limoges
Tirage sur papier Kupfer Hahnemühle
50 exemplaires numérotés de 1/50 à 50/50

 

 

 

Quelle femme en taille assez grande aurait son plaisir à prendre de ses cuisses en tenaille
Cette pomme d'écailles dans un va qui geint dans l'entaille et un vient de vit qui se pâme ?

Quels yeux de loup ou de phoque se cachent sous les écailles de ce cône loufoque et coquin
Qui quête où s'enconner un coin, un pli, une faille ?

Dans l'azur ombreux des pinèdes, l'air braisé de résine grésille d'un chant de cisailles
Où l'amoureuse en bas résille, assise à sa culée, caresse à l'envi l'écorce
D'un fût tout en muscles qui brillent et qui saillent.


Trois jumelles, longues aux ombrelles, se pavanant dans un sous-bois,
Bavassent comme des souveraines en attendant que les voie
Le champignonniste amoureux de bonnes chères au naturel.

-La rosée m'a donné des ailes, dit celle au corps de pucelle qui en pensée ne l'est pas.
-Quelle main experte et cruelle nous donnera nos émois, dit la plus frêle des trois.
L'autre, belle d'un jour, comme une carpe dit " Aime ! Aime-moi !" au jeune écho qui court les bois.

Lascives aux courbes orientales, leurs jambes ont le fruité de l'élégance, gomphides en vue par-dessous.
La nudité de leur danse fait monter en fièvre les sens jusqu'à l'orée de gammes insonores et perfides,
Sous leur jupe au zénith de tous les désirs où niche l'œil cryptogame des sylphides.



Échevelures de feuilles en échappée de flammes, folles du feu follet qui les assèche,
Frénétiques leurs corps à corps se contorsionnent dans les affres du soiffeur qui se frippe,
Comme une âme affranchie des chiffres de la chair s'effraie de ses franchissements définitifs.

L'armée des crânes encasqués jaune en rangs serrés de perles arborant force et discipline
Habille la torpille ithypalle en mal de mise à mort marine et jouir explosif,
Comme aux estampes quand dans le poulpe s'envagine l'amant en tenue de combat.



La Belle farfelue dans son habit de bal abandonne à la salle ses ébats et ses danses,
Avec ses mâles friponnant, ses frasques incongrues, ses froufrous de satin.
Foin des frayères et des fredaines, se dit-elle, en fredonnant les airs frivoles
Des polkas, valses et mazurkas, qui mirent en feu son fol émoi.
Lasse à la fin des entêtants plaisirs, dans l'intime extrême de sa chambre,
La femme a défait ses velours comme en soif de retour à son corps d'origine
Sa robe à l'abandon livre en dix mille feuillets le secret souvenir de ses formes,
Crinoline de pages en couches mille fois mille où rêve un long texte impudique
De carte au Tendre vaine et aux évanescentes veines de la Belle endormie.

La nuit est en gésine. Le jour, entré en origine, cherche à présent à renaître.
Travail en salle de l'accouchée, son corps écartelé pour l'expulsion du corps intime.
La mer est blanche, touffue de vagues pilosités, d'où l'enfançon surgira fils de l'homme.
La mère, poupée hier, s'ouvre à la russe et sourit à l image pareille à son image.
Présentation par l'occiput du fruit né d'un désir chair à chair, magnifique et puissant.
Les lèvres s'émerveillent, les eaux livrent Moïse, et les os de la mer s'ouvrent au passage
D'un peuple en mal divin, enceint de la parole, errant à vue vers l'ère promise.

Textes de Denis Donikian