Posted on - 10-06-2006
L'aube ravit le corps. Les cordes à linges du balcon vibrent sous la
fraîche pincée du petit vent. On écrit dans l'air vif
à la lumière d'un ciel universel, à la source même
du silence qui ronfle sur la rue déserte au passage de la moindre voiture.
Le corbeau chasse une pie d'arbre en arbre égarée, les moineaux
baignent leur frilosité dans les avancées de chaleur, les hirondelles
ont des célérités de signatures imprévisibles.
Le platane taillé en oblique offre son flanc au soleil qui vient d'entrer
par l'autre bout de la rue, les immeubles roses éclatent sous les assauts
d'argent, tandis que leurs autres façades sombrent dans le mauve des
pauvretés oubliées. Le minibus 41 roule avec la lenteur des
mécaniques paresseuses contre une lumière plus pénétrante
de minute en minute. Un autre vient à sa suite. Ils descendront vers
le centre ville en passant par le Monument, esplanade d'où l'œil
s'emplit de l'immense plaine de l'Ararat. On sait qu'ils préfacent
l'ouverture de la vie humaine sur Erevan. La jigouli blanche chargée
de pain frais vient juste de se garer devant la boutique pour sa livraison.
Le policier géant à tête lourde traverse la rue à
pas comptés en fixant le bitume fraîchement " raccommodé
" en larges bandes rectangulaires. Tout à coup, le quartier exsude
ses gens : étudiants, couples, solitaires, impeccablement mis, comme
s'ils allaient à la noce. Deux filles se délectent à
déambuler comme des appas dans le regard des hommes venant à
leur rencontre, habillées très physique, iconisant les atouts
de leur jeunesse. Je plonge du haut de mon balcon sur leurs courbes soumises
aux variations de leurs pas et du temps qui chasse pareils instants.
Erevan for rêveurs/Erevan for ever