Arménie kleptocratique


L'actuel président de la République d'Arménie a dû être fort étonné d'entendre son prédécesseur qualifier son régime de kleptocratie.

Comment ? Moi, un kleptocrate ! Mais au fait, qu'est-ce que c'est ?

Notre président qui ne saurait se reconnaître dans un mot qu'il ignore téléphone à son ministre de la culture qui, ne sachant à quel dictionnaire se vouer, s'en remet aussitôt à Ichi Kourakian, professeur d'université et de surcroît académicien, aussi désarçonné que le renard de La Fontaine mis au défi d'aller chercher sa viande servie " en un vase à long col et d'étroite embouchure " par la cigogne.

Ichi djan, pour ta gouverne et ton gouvernement, sache que le mot kleptocratie, néologisme forgé par l'écrivain Patrick Meney pour qualifier l'ère Ieltsine de " gouvernement des voleurs " est employé dans le sens de corruption généralisée !

Mais qui n'a jamais volé jette la première pierre au président.

Comme ce Hrant Bagratian, l'ancien premier ministre de l'ancien président, qui révèle que 17% du PIB sont entre les mains du président actuel et de son actuel premier ministre. Et qui ose renchérir en affirmant que le même président contrôlerait deux banques, des secteurs de l'industrie minière et des secteurs du bâtiment. Et pourquoi ne pas dire qu'il aurait la haute main sur toutes les toilettes d'Erevan ? Mais ce même Bagratian poursuit sans vergogne son réquisitoire contre ce premier ministre en révélant que ce serait lui, bien lui, le véritable propriétaire de la compagnie aérienne Armavia. Sans oublier le ministre de la santé H. Kouchkian, lequel possèderait deux des cinq ou six plus grands centres hospitaliers du pays.

Non, Monsieur Bagratian. Dans un pays où la kleptocratie est généralisée, il est moral d'être kleptocrate.

C'est le vol de la démocratie qui ne le serait pas. Or, que je sache, en Arménie, les électeurs ne subissent aucune pression. Leurs voix ne font l'objet d'aucun marchandage. Ils votent aussi librement qu'ils sont libres de penser, s'informer et agir avant et après le dépôt de leur bulletin dans l'urne. Les journalistes sont libres d'être mis au chômage pour fautes professionnelles. En Arménie, les opposants s'opposent, les observateurs observent, les orateurs cassent du pouvoir autant qu'ils veulent. La peine de mort est abolie et nul ne saurait être torturé à mort sans subir les soins nécessaires. La justice est juste. Le président préside. Le premier ministre orchestre l'administration du bien public. Les criminels sont condamnés pour des crimes irréfutables. Et les femmes accouchent au bout de neuf mois...
Après le deuil génocidaire des années 1915, puis le deuil démographique de l'Indépendance, voici venu le deuil démocratique arménien.

Janvier 2008

 

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